A notre premier entretien avec France Loire, son directeur général a passé un peu plus d'une heure à nous vanter l'humanisme de sa société, avant de nous expliquer qu'ils étaient aussi des gens très sérieux, et qu'ils avaient donc déjà enclenché des poursuites contre nous.
La qualité de leur discours social était en effet au moins au niveau d'une pub pour la lessive. On nous a par exemple expliqué qu'il ne fallait pas trop de gens différents à Bourges, sinon cela risquerait de faire gonfler le FN. Appliquer une politique raciste pour ne pas voir le FN au pouvoir, cohérent...
On nous a aussi expliqué qu'à cause de nous, l'argent des locations des HLM, donc l'argent des pauvres, allait devoir être utilisé pour murer l'immeuble. Quels salauds nous sommes ! Sauf qu'à la fin de la même réunion, un autre intervenant a expliqué qu'ils devaient de toutes façons le faire depuis longtemps car l'immeuble était squatté, et que cela a juste du être précipité. En vérité, les nouveaux propriétaires du bâtiment ont laissé une famille en contrat de bail avec eux vivre au milieu des ordures pendant des mois, au lieu de faire leur travail, et c'est quand nous sommes venus qu'ils ont commencé à condamner les autres appartements (dont deux au premier étage qui étaient jonchés d'ordures comme la cage d'escalier, que nous avons nettoyés nous-mêmes).
On nous a ensuite proposé de les renseigner sur les gens habitant dans l'appartement, car après tout, étant en contact avec toutes les associations hébergeant des demandeurs d'asile, ils pourraient peut-être faire quelque chose.
Leur insistance sur les personnes présentes dans l'appartement, sur leur situation administrative nous ont paru louches. Après tout, c'est vrai qu'ils nous ont aussi dit être en contact avec la préfecture. Mais du coup il devenait assez évident qu'ils récoltaient surtout des noms pour la préfecture et l'huissier de justice, et que nos noms à nous marqués sur la porte intéressaient assez peu pour ça. Nous avons quand même tout fait pour croire qu'ils étaient sincère, et nous avons préparé une liste de personnes en situation de précarité et logeant tour à tour à l'appartement selon qu'ils soient pris ou non à l'abri de nuit.
L'huissier de justice est passé aux appartements le lundi suivant accompagné des gens de France Loire et d'un policier.
Le vendredi suivant à 6h du matin, la police a expulsé violemment la dizaine de personnes logeant dans les deux appartements occupés aux Dumones à Bourges. Les migrants ont passé 4 heures en garde à vue. Cela s'est produit alors que le soir même, le CODAC était convié avec la coordination du Berry à rencontrer les services de la cohésion sociale et de la protection de la population à la préfecture. Cela s'est produit alors que les enfants de 3, 6 et 9 ans logés dans l'appartement avaient fait leur rentrée à l'école voisine, faute d'autre solution. France Loire a dès le début porté plainte et n'a eu aucun souci réel de la situation des mal logés à Bourges, voulant uniquement vider ces bâtiments promis à la démolition (ou à la réhabilitation comme ils le prétendent aujourd'hui de façon contradictoire). Il faut savoir qu'une famille encore en contrat de bail vit au premier étage de ce bâtiment. Il n'y avait donc aucune urgence, sauf celle de préserver l'ordre inégalitaire et le droit de propriété, pour remettre des gens à la rue. Depuis des mois, quasiment aucune des personnes que l'on fréquente n'a vu de place s'ouvrir en CADA (hébergement adapté). L'hébergement d'urgence à Bourges n'offre que quinze places pleines tous les jours. Nous avons rencontré une femme avec un bébé de 3 mois ayant passé 2 nuits à dormir à la gare, puis une nuit à finir par demander un lit aux urgences de l’hôpital alors qu'elle avait passé toute la journée à essayer d'obtenir de l'aide des services adaptés. Bref, les pouvoirs publics préfèrent la répression au règlement de situations sociales. Les pouvoirs publics protègent le droit de propriété plutôt que la population. Les demandeurs d'asile voient leurs droits humains bafoués. Ils ne sont donc pas considérés comme des humains par l'Etat français.
On attend confirmation que la mère de famille et ses trois enfants peuvent rester en appartement thérapeutique. Samy et Léonel qu'on nous a promis avoir une place en CADA à Orléans se retrouvent à St Jean de Braye au PRAHDA (ne vomissez pas) ! Tous les autres qui sont passés par le squat sont retournés à la rue. Une personne a été blessée au doigt pendant l'évacuation violente et a dû être emmenée à l'hopital de Tours pour être opéré. Avant ça, il a passé 4h en garde à vue sans voir un médecin.