Affaire Geneviève Legay : mobilisons-nous le 13 octobre !

19/09/2023 19:28

Vendredi 13 octobre aura (enfin) lieu le procès du commissaire Rabah Souchi, qui avait ordonné la charge policière ayant gravement blessé Geneviève Legay le 23 mars 2019 à Nice, lors d’une manifestation de Gilets Jaunes.

 

Rappels des faits
Nice, place Garibaldi, le samedi 23 mars 2019 : à la veille de l’accueil en grande pompe du dictateur chinois Xi Jinping par Emmanuel Macron, et en plein mouvement social des Gilets Jaunes, une foule clairsemée, moins nombreuse que les forces de l’ordre, se rassemble pour manifester, malgré l’interdiction de manifester prise la veille par la préfecture : « On est là pour dire qu’on a le droit de manifester » déclare face aux caméras Geneviève Legay, alors âgée de 73 ans, gilet jaune et porte parole d’Attac 06.
Mais la police est bien décidée à faire respecter l’interdiction. À la manœuvre, mégaphone à la main, ceint de son écharpe bleu-blanc-rouge, le commissaire divisionnaire Rabah Souchi fait preuve d’une brutalité féroce contre une foule pacifique, chantant « Liberté de manifester ». 
Dès 11h, les premières arrestations commencent. Et, à 11h40, lors d’une charge, Geneviève tombe au sol, le crâne fracassé. Avec cinq fractures et un traumatisme crânien très grave, Geneviève est restée 48 heures avec son pronostic vital engagé, le personnel de l’hôpital disant même à ses filles qu’elle allait mourir…
Alors que Geneviève reste plusieurs mois à l’hôpital, commence alors le feuilleton de ce qui allait devenir l’ « affaire Geneviève Legay ».

L’affaire Geneviève Legay, un scandale d’État

Mensonges au plus haut sommet de l’Etat
Dès le dimanche 24 mars 2019, Christian Estrosi, maire de Nice, déclare au micro de France 3, en sortant du commissariat : « c’est regrettable, je sais que ce n’est pas dans un heurt avec la police, elle a trébuché  », se sentant même autorisé à préciser que « ce sont des blessures superficielles ». Le lendemain, il récidive sur France Info : « De nombreux témoignages démontrent que c’est dans un mouvement de foule auquel elle participait qu’elle aurait trébuché  ». Il s’indigne : « Mettre en permanence la police en accusation, cela a un côté insupportable ». Sur France Bleu Azur, il assène : « C’est regrettable mais ce n’est pas un geste des forces de l’ordre qui a provoqué cela ».
Ce lundi 25 mars, le chef du parquet de Nice, sentant la polémique enfler, a organisé une conférence de presse où il affirmait qu’aucun policier n’était entré en contact avec Geneviève.

Il sera rapidement avéré que ce même procureur avait assisté à toute la scène depuis le centre de supervision urbain (CSU) et donc sciemment menti pour, dira-t-il, « couvrir » le président de la République. Lors de sa venue à Nice, Emmanuel Macron avait en effet affirmé que « cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre  ». Il avait également tenu ces propos : « Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci », tout en souhaitant à Geneviève « un prompt rétablissement, et peut-être une forme de sagesse ».

C’est tout l’appareil d’État qui a menti pour couvrir ces violences policières : du procureur de la République de Nice au préfet des Alpes-Maritimes, du maire de Nice au président de la République.

Obstacles à la manifestation de la vérité
Alors que Geneviève reprenait à peine ses esprits, des policiers ont cherché à influencer son témoignage : elle a été interrogée sur son lit d’hôpital pour qu’elle reconnaisse avoir été poussée... par un cameraman.
Grâce aux révélations de Pascale Pascariello dans Mediapart, on apprendra que l’enquête sur cette affaire a été confiée à Hélène Pedoya, qui n’est autre que... la compagne de Rabah Souchi, et qui de plus était elle aussi présente ce jour-là pour assurer le supposé « maintien de l’ordre ». Alerté sur ce point, le procureur général de Nice, Jean-Michel Prêtre, a assuré auprès de Mediapart « ne pas voir en quoi cela pose problème ». Cerise sur le gâteau, c’est l’agent administratif ayant révélé ce conflit d’intérêt qui a été sanctionné par sa hiérarchie.
Comme s’il fallait par tous les moyens éviter que le scandale éclate, l’équipe de Quotidien de TMC a été empêchée par le préfet et par le chef de service de l’hôpital d’approcher Geneviève, malgré son accord.

Des street medics empêchés d’intervenir
Alors qu’ils tentaient de porter les premiers secours à Geneviève, des street medics ont été empêchés d’intervenir par le commissaire Souchi. 10 de ces secouristes ont été interpellés, menottés et placés en garde à vue pendant 10h.

Des ordres illégaux
Si ce n’est pas le policier ayant frappé Geneviève qui est en procès mais le commissaire Rabah Souchi, c’est parce qu’il a été établi que les ordres donnés par celui-ci étaient illégaux car disproportionnés. Un compte-rendu d’opérations de maintien de l’ordre transmis le 25 mars à l’ensemble de la hiérarchie et jusqu’à la Direction générale de la gendarmerie nationale, révélé par Mediapart, montre que le capitaine commandant l’escadron de gendarmerie a décidé, fait particulièrement exceptionnel, de désobéir aux ordres du commissaire Souchi et de ne pas engager ses hommes dans une opération impliquant l’usage de la force. Le motif : « Ordres reçus disproportionnés face à la menace (foule calme)  ». Ce document ne sera porté à la connaissance de la justice qu’après les révélations de Mediapart.

Une manifestation qui n’aurait pas du être interdite
Alors qu’il a beaucoup été reproché à Geneviève, y compris par Emmanuel Macron, d’avoir manifesté malgré l’interdiction, il faut savoir qu’en 2022, l’arrêté pris par le préfet des Alpes-Maritimes le 22 mars 2019 interdisant les manifestations des Gilets jaunes à Nice le lendemain a été annulé par la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a jugé disproportionnée l’atteinte portée par le représentant de l’État à la liberté de se rassembler et de manifester dans la mesure où "il est constant que les manifestations des «  gilets jaunes  » à Nice depuis novembre 2018 étaient restées pacifiques".

Le commissaire décoré
Le 16 juin 2019, Christophe Castaner, alors ministre de l’intérieur, a décoré des policiers de la médaille de la sécurité intérieure, pour leur "engagement exceptionnel dans le cadre des ’gilets jaunes’". Parmi ceux-ci, le commissaire Rabah Souchi, mais aussi des policiers impliqués dans les morts de Zineb Redouane à Marseille et de Steve Maia Canico à Nantes.

Enfin, précisons que Geneviève, qui garde encore aujourd’hui de graves séquelles de cette agression, n’est pas seule à avoir subi des violences ce jour-là, des violences policières ayant également émaillé la manifestation de 14h à la gare, qui était pourtant déclarée et autorisée (une oreille arrachée, une épaule démise…).

Les enjeux du procès
4 ans après, grâce au travail des avocats de Geneviève (Me Arié Alimi et Mireille Damiano) et de la presse (en particulier les révélations de Pascale Pascariello dans Mediapart), grâce à la mobilisation d’Attac et à votre solidarité (les frais juridiques ont été couverts par un appel à dons et par Attac), nous avons notamment obtenu le dépaysement de l’affaire à Lyon, la mutation-sanction du procureur de Nice, et un procès, qui aura lieu vendredi 13 octobre 2023.
Le commissaire Souchi sera jugé pour "complicité par ordre de violence par personne dépositaire de l’autorité publique" ayant "entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours". Le procureur de Lyon considère que la charge ordonnée par le commissaire Souchi "n’était ni proportionnée, ni nécessaire à la situation en cause".
Ce sera un procès historique car c’est la première fois depuis 70 ans qu’un donneur d’ordre devra rendre des comptes devant la justice : en effet, ce n’est pas le policier ayant reconnu avoir frappé Geneviève qui devra rendre des comptes à la justice, mais bien Rabah Souchi. D’après Me Arié Alimi, en cas de condamnation, il nous serait alors possible de poursuivre toute la chaîne de commandement.
Alors que les multiples rebondissements de ce qui a été appelé "l’affaire Geneviève Legay" ont rencontré un fort écho médiatique depuis 2019, le procès et sa dimension historique devraient susciter un fort intérêt de la part des médias.

Se mobiliser le 13 octobre à Lyon

Un événement militant est en cours d’organisation à Lyon vendredi 13 octobre, avec pour mot d’ordre "Justice pour Geneviève Legay ! Justice pour toutes les victimes de violences policières !"

L’enjeu du procès est de déterminer si le commissaire Souchi a donné des ordres illégaux. Mais ce procès soulève des questions bien plus vastes, c’est pourquoi nous organiserons en parallèle du procès une mobilisation visant à :

  • montrer pourquoi l’affaire Geneviève Legay est un scandale d’État ;
  • faire le procès des violences policières, pour toutes les victimes n’ayant pas la chance d’avoir un procès, en donnant largement la parole à des victimes et familles de victimes ;
  • expliquer nos revendications pour en finir avec les violences policières ;
  • permettre de suivre le procès, avec des témoignages de personnes présentes au tribunal.